Evolution

 

Voix et sons muet

 

Le cinéma parlant : une révolution ?

L'avènement du parlant sera sans retour. A la différence de l'arrivée de la couleur qui n'entraînera pas l'arrêt du noir et blanc, le parlant marquera, malgré une coexistence de plusieurs années, la fin du muet. Les changements techniques qu'il a entraînés ont influencé parfois l'esthétique des films.

Cadence et format de l'image

Pendant la période muette la cadence de défilement du film, manuelle et variable, oscillait entre 16 et 20 images/seconde. Or la bande sonore étant inscrite sur le côté droit de l'image *, la cadence doit être régulière et mécanique pour que le son ne subisse pas de distorsion. Elle est alors standardisée à 24 images/seconde. Mais c'était là une définition minimale et non optimale du son qui, elle, aurait demandé environ 60 images/seconde. Le coût d'une copie augmentait d'autant et les films muets avec lesquels on espérait encore concevoir quelque temps des programmes, ne pouvaient plus être projetés.

Insonorisations des studios

L'avènement du parlant va poser à la réalisation des films le problème de l'insonorisation des studios. Quand les films étaients muets, le bruit des plateaux de tournage, que les décorateurs travaillent ou que le régisseur donne ses directives, ne faisait pas problème. Les premiers films français vont devoir un temps être tournés à Londres. On a aussi tendance à dire que la difficulté à rendre le son sans mixage - ce qui signifie qu'un seul son à la fois peut être enregistré - et l'impossibilité de le postsynchroniser - technique qui ne sera pas maîtrisée en France avant le milieu des années trente -, ont enfermé le cinéma dans les studios. Toutefois Marcel Pagnol avait conçu un camion insonorisé qui sera utilisé jusqu'à l'arrivée, à la fin des années cinquante, du magnétophone portable, le Nagra (celui de la Nouvelle Vague).Le moteur de la caméra aussi est bruyant et on l'enferme avec l'opérateur dans une cabine au risque de réduire la mobilité de la caméra. Les Trois masques illustrent peut-être cette immobilité, mais on notera à l'inverse, pour ne citer que lui, le long travelling d'ouverture de Sous les toits de Paris.Enfin, l'éclairage subit lui aussi des transformations qui modifient l'impression, la sensation de l'image par rapport à l'image muette. Ces arcs électriques à charbon très puissants, caractéristiques des blancs vaporeux, des visages auréolés, des noirs denses, très utilisés pendant les années vingt, parce qu'eux aussi sont bruyants, vont être remplacés par les lampes à incandescence, moins lumineuses. Si révolution il y a, outre celle de l'innovation technique, c'est avant tout dans la production et l'exploitation. Quant à la prise de vues et au rendu de l'image, il faut tempérer. Certains changements n'auront qu'une incidence temporaire, d'autres plus durable. Pour finir, rappelons que l'avènement du parlant a la grave conséquence de réveiller une nouvelle vague de destruction volontaire des films qui ne peuvent plus servir à l'exploitation. Une fois de plus, dans l'histoire du cinéma, les films se vendent au kilo... Il est toujours difficile d'estimer les pertes. Raymond Borde parle de 70 % de pertes mais n'a pu tenir compte des archives de Bois-d'Arcy, Gaumont et Pathé. Il nous est donc permis d'espérer.