Historique

 

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Le temps des inventeurs

    Affolement dans la salle. Une locomotive fonce à toute allure. Elle se rapproche : on dirait qu'elle va percer l'écran. Des spectateurs, épouvantés, tentent de fuir... Voilà. Le cinéma vient de naître, en ce 28 décembre 1895, au Grand Café, sur les grands boulevards, à Paris. Mais nul ne se doute encore que ces images tremblotantes, aujourd'hui si émouvantes, viennent de donner naissance à un art, le septième du nom.


Il faut donc remonter à l'année 1895. Or, peut-on dire que « le cinéma » a commencé à cette date, en France en l'occurrence ? Qu'a-t-on fêté cette année, l'inventeur, le premier film ou la première projection publique ?

Si l'on parle d'inventeur, le nom d'une famille de photographes lyonnais vient sur toutes les lèvres, et plus particulièrement celui des deux frères, Auguste et Louis Lumière grâce auxquels « tout serait arrivé » ?

1895 ne marque pourtant pas les premiers essais d'images animées. Les premières « histoires du cinéma » remontent à un pré-cinéma plusieurs siècles en arrière, invention après invention, jeux pour enfants après appareils plus perfectionnés ; du théâtre d'ombres oriental (traditions chinoise et indienne) aux lanternes magiques (Kircher, au XVIIe siècle), phénakistiscope (J.-E. Plateau, 1832), zootrope (Horner, 1834), praxinoscope-théâtre (Emile Reynaud) 4 et au fusil chronophotographique de Marey, destiné plus particulièrement à l'étude physiologique 5, que précéda Muybridge en Grande-Bretagne, enfin au kinétoscope d'Edison (appareil de projection individuelle dans lequel passent des bandes d'une minute recréant le mouvement des êtres, des objets, de la vie contre un nickel, 1893 - équivalent de nos machines à sous).

L'invention du cinématographe, attribuée à Louis Lumière, est en fait l'aboutissement d'une recherche collective qui s'inscrit sur près d'un siècle. De l'invention de la photographie par Nicéphore Niepce vers 1816 aux recherches sur le mouvement, le XIXe siècle est ponctué de découvertes techniques et scientifiques autour de l'enregistrement du son et de l'image, dont le cinéma est la synthèse.
Le docteur Paris inventeur du thaumatrope en 1826, Joseph Plateau avec le phénakistiscope en 1836 et Emile Reynaud qui présente avec succès à l'Exposition universelle de 1878 le praxinoscope, s'intéressent à la persistance rétinienne. Celle-ci permet de créer l'illusion du mouvement à travers une succession d'images rapidement déroulées. Les travaux d'Edward J. Muybridge (1878) et d'Etienne-Jules Marey (1882) sur la décomposition du mouvement par la multiplicité des prises de vue photographiques, viennent compléter ces innovations. De la décomposition à la recomposition du mouvement, il n'y a qu'un pas qu'Edison franchit avec son kinétographe (1891), véritable juke-box à images qu'il va commercialiser.

L'invention du "cinématographe" en 1895, avec son procédé spécifique de défilement régulier de l'image à l'aide d'une griffe qui entraîne la pellicule perforée, vient couronner cette succession de recherches. Etrange processus qui transforme une série d'innovations aussi diverses en un seul objet, durable : le cinéma.

C'est sans doute que l'invention technique en elle-même n'est rien sans ce qu'elle apporte à l'imaginaire. Dès la première projection publique et payante, le 28 décembre 1895, au Grand Café, à Paris, puis dans les théâtres et les foires, le cinématographe suscite un extraordinaire enthousiasme auprès d'un public ébahi devant ces images qui bougent.