DE LA LIBERATION A LA
"QUALITE FRANCAISE"
Sous la pression de la CGT, le gouvernement
crée en 1945 l'Union générale cinématographique.
L'UGC réunit producteurs, distributeurs et exploitants.
Elle a pour vocation de gérer les biens allemands mis
sous séquestre. Dans le même temps, les accords
Blum-Byrnes entre la France et les Etats-Unis ouvre la marché
français aux longs métrages américains.
En 1948, une taxe est prélevée sur chaque billet
pour relancer l'industrie cinématographique. André
Malraux va poursuivre cet effort de relance par une politique
d'aide au cinéma.
En 1945, le festival de Cannes attribue son
premier trophée, une Palme d'or, à "La Bataille
du rail", de René Clément.

1950 : l'euphorie des nouvelles inventions
Les entrées en salle battent tous les records : 423 millions
d'entrées en 1947, plus de 400 millions d'entrées
par an dans les dix ans qui suivent. Le cinéma français
connaît alors une période faste. Des innovations
techniques comme la généralisation de la couleur,
le cinéma en relief et la commercialisation du cinémascope
(1953) jouent en faveur de ce regain d'intérêt
du public. Pour lutter contre la concurrence américaine,
les producteurs misent sur un cinéma de qualité
puisant plus que jamais dans la tradition littéraire
française. L'essentiel de la production se cantonne à
un cinéma de vedettes et de scénaristes : Jean
Gabin, Charles Vanel, Michel Simon, Danielle Darrieux, Michèle
Morgan sont les nouvelles stars aux côtés des jeunes
premiers comme Gérard Philippe, Simone Signoret et Martine
Carol. Les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost écrivent
pour la nouvelle génération de cinéastes.
Ils adaptent ainsi "Douce" (1943), de Michel Davet
et "Le Diable au corps" (1946), de Raymond Radiguet
pour Claude Autant-Lara, "La Symphonie pastorale",
d'André Gide pour Jean Delannoy (1946), "Les Jeux
inconnus", de François Boyer, devenus à l'écran
"Jeux interdits", de René Clément (1951).
Leur académisme esthétique que François
Truffaut, alors critique aux Cahiers du cinéma, qualifie
sur un ton polémique de "qualité française".
Ce cinéma de studio, hiérarchisé et organisé
en corporations, n'est pas vraiment favorable à la nouveauté,
mais il ne manque pas de grands stylistes. Yves Allégret
perpétue les ambiances glauques, dans le droit-fil du
réalisme poétique comme dans "Dédée
d'Anvers" (1947) ou "La Fille de Hambourg" (1958).
Henri Georges-Clouzot s'affirme dans la veine du réalisme
noir, avec "Le Salaire de la peur" (1953) et "Les
Diaboliques" (1954). "Monsieur Ripois" (1953),
de René Clément illustre par son dépouillement,
une forme de réalisme qui va bientôt faire école.
Jacques Becker, formé par Jean Renoir, réalise
"Casque d'Or" (1952) et "Touchez pas au grisbi"
(1954). Robert Bresson annonce, par son travail d'épure,
l'arrivée de la modernité à travers "Le
Journal d'un curé de campagne" (1950) et "Un
condamné à mort s'est échappé"
(1956). Jacques Tati réinvente le cinéma burlesque
dans "Les Vacances de Monsieur Hulot" (1953) ou "Mon
Oncle" (1958). Alain Resnais choque en affirmant un style
littéraire et distancié pour traiter des grands
sujets et drames contemporains : les camps de concentration
dans "Nuit et brouillard" (1956), l'ère nucléaire
dans "Hiroshima mon amour" (1958). Jean-Pierre Melville,
s'inspirant du film policier américain, impose, par la
pureté et la rigueur de sa mise en scène, une
nouvelle approche du genre.
La création de la prime à la qualité en
1953, l'instauration d'une loi autorisant l'auto-production
et la création de l'avance sur recettes en 1959, par
André Malraux, permettent qu'apparaissent, en marge des
circuits traditionnels, de petites unités qui donnent
naissance à un cinéma novateur.
Les années 50 sont aussi celles de l'éclosion
d'une réflexion théorique dont André Bazin,
créateur de la revue des Cahiers du cinéma s'affirme
comme l'un des grands maîtres.