LE TRIOMPHE DE LA "NOUVELLE
VAGUE"
ET LE DEBUT DE LA CRISE
1960 : la déferlante
Les années 60 sont marquées par l'apparition d'une
nouvelle génération de cinéastes, dont
les plus marquants gravitent autour du groupe de la "Nouvelle
Vague" (Jean-Luc Godard, François Truffaut, Jacques
Rivette, Eric Rohmer, Jacques Demy, Claude Chabrol). Leur approche
du cinéma s'avère en rupture plus ou moins radicale
avec le cinéma de studio et de scénaristes, dans
la continuité de grands cinéastes comme Jean Renoir,
Max Ophuls, Georges Franju, Jean Vigo ou Robert Bresson dont
la jeune génération se réclame. L'affaire
Henri Langlois, qu'andré Malraux tente d'évincer
de la Cinémathèque en 1968, provoque un mouvement
de révolte autour des cinéastes venus des Cahiers
du cinéma qui s'étend au festival de Cannes, interrompu
pour cause de Mai 1968. Des revendications exprimées
naît la création de la Quinzaine des jeunes réalisateurs,
l'année suivante, qui va permettre la découverte
de nombreux jeunes auteurs.
On voit apparaître une nouvelle façon de produire,
de tourner, de fabriquer des films qui s'oppose aux traditions
et aux corporations. L'invention du Nagra, magnétophone
portable, celle de la caméra 16mm, légère
et silencieuse, le goût des tournages en extérieur
imposent une nouvelle esthétique plus proche du réel.
Le cinéma direct, dont Jean Rouch est l'un des chefs
de file français, invente une nouvelle façon de
faire du documentaire. L'arrivée d'une nouvelle génération
d'acteurs (Jean-Paul Belmondo, Brigitte Bardot, Anna Karina,
Jean-Claude Brialy, Bernadette Lafont, Jean-Pierre Léaud,
Jeanne Moreau...) et de techniciens, le soutien d'une poignée
de producteurs-mécènes fait le reste.

Georges de Bauregard produit "A Bout de
souffle", de Jean-Luc Godard (1959), "Lola",
de Jacques Demy (1961) et "Adieu Philippine", de Jacques
Rozier (1962). Pierre Braunberger produit les courts métrages
de Jean Rouch et des cinéastes critiques des Cahiers
du cinéma. Anatole Dauman mise sur les films ambitieux
d'Alain Resnais comme "Hiroshima mon amour" (1958)
et "L'Année dernière à Marienbad"
(1961). Parallèlement, la télévision commence
à devenir un phénomène de masse, tant sur
le plan de la diffusion que de l'achat de téléviseurs
(1,4 millions en France en 1960). Tandis qu'en 1964 naît
la deuxième chaîne (la première chaîne
émet de façon plus ou moins continue depuis 1950),
on prépare déjà le passage à la
couleur, inauguré sur cette même chaîne en
1967.
La fréquentation en salles, elle, commence
à chuter : en dix ans, elle va diminuer de moitié.
C'est donc à cet étrange paradoxe que l'on assiste
: d'un côté, on a l'impression d'une naissance,
celle d'un courant esthétique majeur et nouveau qui draine
un public assez large sur des objets parfois déroutants
; de l'autre, on assiste à un effritement progressif
et durable des entrées. Une part non négligeable
du public est entrain de lâcher les salles de cinéma.
La crise s'avance masquée, elle éclatera au grand
jour dans la décennie suivante. Sur le plan technique
s'impose enfin le safety film, à base de triacétate
de cellulose, qui remplace le film nitrate, support périssable
et très inflammable utilisé depuis les origines
du cinéma.