Né le 3 juin 1922, à Vannes.
Hostile aux compromissions commerciales, se tenant à
l'écart des modes, tournant peu, préparant
longuement ses films, Alain Resnais se présente comme
un créateur intransigeant, insaisissable, qui domine
de très haut la production française contemporaine.
Il assure - en douceur - la transition entre une conception
classique du cinéma, celle d'un Renoir ou d'un Guitry,
et son avancée la plus moderne, dans la mouvance
du "nouveau roman" et du structuralisme. Il est
un héritier du "réalisme poétique",
en même temps que l'initiateur d'un courant néo-spectaculaire,
qui croit en la toute-puissance du rêve et de l'imagination
créatrice.
Plusieurs de ses films ont suscité l'incompréhension
de la critique ou du public, parfois même des deux,
voire une vive hostilité. On a censuré Les
statues meurent aussi, Hiroshima mon amour a divisé
le jury du festival de Cannes en 1958, Stavisky... reste
un film maudit, Providence fut un échec commercial
; quant à l'un de ses derniers films, I Want to go
home, il a été accueilli par des ricanements.
C'est que, sans doute, le cinéma d'Alain Resnais
est l'un des plus dérangeants qui soient. Il fait
scandale, au sens positif que Cocteau donnait à ce
terme. Il exauce le voeu de Diaghilev disant à ce
dernier : "Etonne-moi !".
Matière et mémoire.
A quatorze ans, il tourne déjà de petits films
en 8 mm (dont une adaptation de Fantômas !), tout
en se passionnant pour la photographie, la bande dessinée
et la littérature populaire (avec une prédilection
pour Harry Dickson). Il lit aussi Proust et André
Breton et rêve de devenir libraire. Le monde du spectacle
le fascine. En 1940, il s'inscrit au cours Simon et, en
1943, à l'IDHEC.
Après avoir fait un peu de figuration (dans Les Visiteurs
du soir), il est engagé comme assistant sur Paris
1900, et commence à réaliser des films en
16 mm qui n'auront pas de diffusion commerciale. L'un d'eux,
Schéma d'une identification, est interprété
par Gérard Philippe. Le cap professionnel est franchi
avec Van Gogh (1948), un court métrage produit par
Pierre Braunberger : c'est une originale "pénétration"
de la caméra à l'intérieur des oeuvres
de l'artiste, par l'effacement du cadre, selon un procédé
mis au point par Luciano Emmer. André Bazin discerne
là une radiographie subtile de la peinture, qui met
en évidence "un réseau hallucinant de
nerfs et de tendons noués sur les os du monde"
- formule applicable mot pour mot à la démarche
ultérieure du cinéaste lui-même.
Pendant dix ans, Resnais se tiendra sagement au documentaire,
traitant de thèmes tantôt graves (la guerre
d'Espagne vue par Picasso, le génocide nazi), tantôt
légers (des visites à la Bibliothèque
nationale et aux usines Péchiney). Un lyrisme très
personnel s'y exprime, soutenu par une science raffinée
du montage. Resnais s'affirme comme un philosophe de la
perception, illustrant - plus ou moins consciemment - les
théories de Bergson sur le concept du "souvenir-image".
Chez lui, en effet, l'observation de l'objet, du plus commun
au plus noble, passe à travers un filtre de culture
et d'émotion, la matière est constamment enrichie
par la mémoire.
Hostile aux compromissions commerciales, se tenant à
l'écart des modes, tournant peu, préparant longuement
ses films, Alain Resnais se présente comme un créateur
intransigeant, insaisissable, qui domine de très haut
la production française contemporaine. Il assure -
en douceur - la transition entre une conception classique
du cinéma, celle d'un Renoir ou d'un Guitry, et son
avancée la plus moderne, dans la mouvance du "nouveau
roman" et du structuralisme. Il est un héritier
du "réalisme poétique", en même
temps que l'initiateur d'un courant néo-spectaculaire,
qui croit en la toute-puissance du rêve et de l'imagination
créatrice.
Plusieurs de ses films ont suscité l'incompréhension
de la critique ou du public, parfois même des deux,
voire une vive hostilité. On a censuré Les
statues meurent aussi, Hiroshima mon amour a divisé
le jury du festival de Cannes en 1958, Stavisky... reste
un film maudit, Providence fut un échec commercial
; quant à l'un de ses derniers films, I Want to go
home, il a été accueilli par des ricanements.
C'est que, sans doute, le cinéma d'Alain Resnais
est l'un des plus dérangeants qui soient. Il fait
scandale, au sens positif que Cocteau donnait à ce
terme. Il exauce le voeu de Diaghilev disant à ce
dernier : "Etonne-moi !".
Matière et mémoire.
A quatorze ans, il tourne déjà de petits films
en 8 mm (dont une adaptation de Fantômas !), tout
en se passionnant pour la photographie, la bande dessinée
et la littérature populaire (avec une prédilection
pour Harry Dickson). Il lit aussi Proust et André
Breton et rêve de devenir libraire. Le monde du spectacle
le fascine. En 1940, il s'inscrit au cours Simon et, en
1943, à l'IDHEC.
Après avoir fait un peu de figuration (dans Les Visiteurs
du soir), il est engagé comme assistant sur Paris
1900, et commence à réaliser des films en
16 mm qui n'auront pas de diffusion commerciale. L'un d'eux,
Schéma d'une identification, est interprété
par Gérard Philippe. Le cap professionnel est franchi
avec Van Gogh (1948), un court métrage produit par
Pierre Braunberger : c'est une originale "pénétration"
de la caméra à l'intérieur des oeuvres
de l'artiste, par l'effacement du cadre, selon un procédé
mis au point par Luciano Emmer. André Bazin discerne
là une radiographie subtile de la peinture, qui met
en évidence "un réseau hallucinant de
nerfs et de tendons noués sur les os du monde"
- formule applicable mot pour mot à la démarche
ultérieure du cinéaste lui-même.
Pendant dix ans, Resnais se tiendra sagement au documentaire,
traitant de thèmes tantôt graves (la guerre
d'Espagne vue par Picasso, le génocide nazi), tantôt
légers (des visites à la Bibliothèque
nationale et aux usines Péchiney). Un lyrisme très
personnel s'y exprime, soutenu par une science raffinée
du montage. Resnais s'affirme comme un philosophe de la
perception, illustrant - plus ou moins consciemment - les
théories de Bergson sur le concept du "souvenir-image".
Chez lui, en effet, l'observation de l'objet, du plus commun
au plus noble, passe à travers un filtre de culture
et d'émotion, la matière est constamment enrichie
par la mémoire.
Un Guignol tragique.
Resnais aborde le long métrage par un coup de maître,
Hiroshima mon amour (1959). l'extrême richesse de
cette oeuvre est résumée dans son titre :
d'une part l'épouvante née de l'explosion
nucléaire, de l'autre l'éternel retour de
la passion, les deux thèmes se répondant comme
les gammes majeure et mineure dans la musique. Cela tient
à la fois du requiem et de l'épithalame. Toutes
les ressources de la technique narrative sont mises à
contribution dans un film qui, selon Louis Malle, "a
fait faire un bond au cinéma". Son film suivant,
L'Année dernière à Marienbad (1961),
n'est pas moins révolutionnaire, au moins dans sa
forme. Avec l'aide d'Alain Robbe-Grillet, son scénariste,
Resnais édifie un puzzle captivant, un labyrinthe
à mi-chemin de Julien Gracq et des illusions optiques
d'Escher. Surréalisme et psychanalyse sont au rendez-vous,
comme dans Je t'aime je t'aime (1968) et Providence (1977).
On aurait tort, cependant, de limiter l'art de Resnais à
ces dérives fantasmagoriques. Ses préoccupations
sont aussi bien d'ordre social et politique : le traumatisme
de la guerre d'Algérie avec Muriel (1963), les désarois
d'un militant gauchiste avec La guerre est finie (1966),
les scandales financiers de la IIIe République avec
Stavisky... (1974), l'application au comportement humain
de la psychologie génétique, Mon Oncle d'Amérique
(1980).
PRIX
Trophée du Festival de Cannes 2002