"C'est l'enfance la plus con qu'on puisse imaginer
… ". C'est en ces termes peu élogieux
que Claude Chabrol lui-même nous invite à nous
pencher sur sa vie. Né à Paris en 1930, ce
fils de pharmacien et grand lecteur de la Comtesse de Ségur
débute dans le cinéma à l'âge
de 12 ans comme projectionniste dans un garage d'un petit
village de la Creuse.Après ses études secondaires,
il se lance dans des études de Droit. Déjà
farceur, il gagne son argent de poche en écrivant
de fausses dédicaces d ‘Hemingway et de Faulkner
et profite du snobisme parisien pour en tirer un bon prix.
Il se marie très jeune à une riche héritière
qui lui permet de réaliser son premier film. Le beau
Serge (1959) avec Jean-Claude Brialy et Les Cousins qui
sortent la même année, marquent le début
de la nouvelle vague. On y trouve dors et déjà
les thèmes Chabroliens, la province et sa petite
bourgeoisie entre interdits, non-dits et hypocrisie, et
le regard à la fois féroce et plein d'humour
du réalisateur.
L'année suivante, il tombe en disgrâce avec
Les bonnes femmes où l'on retrouve une de ses actrices
fétiches, Stephane Audran. La bêtise de ces
femmes pathétiques effraie le public qui se sent
visé et méprisé. Pourtant, la bêtise
va devenir un des thèmes clés de l'œuvre
de Chabrol qui se dit fascinée par elle : "la
bêtise est infiniment plus fascinante que l'intelligence.
L'intelligence, elle, a ses limites tandis que la bêtise
n'en a pas. Voir un être profondément bête,
c'est très enrichissant et l'on a pas à le
mépriser pour autant." Les Godelureaux, l'année
suivante, ne rencontre pas plus de succès.
Il se lance alors dans la réalisation de films d'espionnage
souvent parodiques et toujours plein d'humour. On retrouve
Stephane Audran dans Le tigre aime la chaire fraîche
(1964) ainsi que dans Marie-Chantal contre Docteur Kah (1965),
une caricature de l'espionnite ambiante au temps de la guerre
froide. Sans elle, il réalise Le tigre se parfume
à la dynamite (1965) et La route de Corinthe (1967)
où l'on retrouve Jean Seberg, l'inoubliable Américaine
vivant à Paris, petite amie de Jean-Paul Belmondo
dans le film de Jean-Luc Godard A bout de souffle(1959).
Il renoue avec le succès à partir de 1968
avec une série de films : Les Biches, La femme infidèle
(1969), Que la bête meure (1969), Le boucher (1970).
Claude Chabrol aime s'entourer de ses acteurs fétiches
et on y retrouve Michel Bouquet, Jean Yanne et toujours
et encore sa femme, Stephane Audran.
Il poursuit son analyse décapante des mœurs
de la petite bourgeoisie avec Docteur Popaul (1972), Les
noces rouges (1973) ou encore Violette Nozière (1978)
où apparaît la jeune Isabelle Huppert qui deviendra
l'égérie du cinéma de Claude Chabrol
dans les années 80-90.
En 1982, il adapte un roman de Simenon, Les fantômes
du chapelier, véritable tableau des mœurs d'une
petite ville de province. Le film est empreint d'une violence
inquiètante, retenue et intériorisée
que l'on retrouvera dans Masques en 1987, Le cri du Hibou
en 1987ou encore Une affaire de Femmes en 1988.
Les années 1990 sont peu être plus que jamais
les années Chabrol avec des chefs d'œuvre comme
La cérémonie (1995) servie par les interprétations
époustouflantes de Sandrine Bonnaire et d'Isabelle
Huppert, inquiétantes dans leur folie ordinaire,
ou encore L'enfer (1994) avec la très belle et troublante
Emmanuelle Béart et le très torturé
François Cluzet.