Evolution

 

Voix et sons du muet

 

Retard du parlant

Les problèmes techniques ont pu, après l'engouement de la nouvelle attraction, décourager le public, mais d'autres raisons conjuguées vont retarder l'arrivée du parlant : le chan-gement du système d'exploitation a entraîné une crise économique à la fin de cette première décennie (le « parlant » est à la portée des seules grandes salles) ; selon les historiens, le « sujet » est alors en crise et, les premiers essais de cinéma parlant ont semblé d'une nouveauté limitée. Peut-être la « soif du verbe » elle-même s'est atténuée, la parole n'étant plus sentie comme un manque. Les maisons spécialisées dans la synchronisation vivante vont faire faillite, les bonimenteurs ne trouveront plus de travail dans les salles obscures. Ces années seront peut-être aussi nécessaires à la création d'un langage visuel, le découpage et les possibilités narratives et expressives du montage vont s'élaborer.

 

1926 : avènement du parlant

L'avènement du cinéma sonore et parlant est effectif aux États-Unis avec deux films d'Alan Crossland, Don Juan, un opéra filmé en 1926, et Jazz Singer un an après. Pour l'anecdote, ce dernier ne comporte qu'une minute et vingt secondes de paroles synchrones : un monologue et une chanson ; le reste ne manque pas d'intertitres et n'a de sonore que la musique enregistrée. Il n'en fut pas moins un grand succès commercial aux États-Unis. En France, les débuts du cinéma sonore sont bien plus chaotiques. La société Éclair sonorise un film muet, L'Eau du Nil, dont la sortie en août 1928 sur le grand circuit de distribution Aubert accuse un échec, alors que la première du film américain non sous-titré est un succès à Paris. Pathé-Nathan décide de relever le défi avec Les Trois masques. Ce film dont l'histoire vient du folklore corse est tourné en quinze jours à Londres par l'un des réalisateurs méridionaux les plus en vogue, André Hugon, avec un chanteur de bel canto à la mode, François Rozet 5. Deux ans auront été nécessaires pour voir et entendre le premier long métrage parlant français. C'est d'ailleurs l'écart qu'il faudra en général compter pour l'évolution technique entre les États-Unis et la France.

 

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