Les versions multiples
Maintes querelles opposent les défenseurs du cinéma
muet et ceux du parlant. Les arguments majeurs des premiers
sont le regret de ladite universalité du cinéma,
sorte d'esperanto. Avec le parlant vont naître les cinémas
nationaux puisque les films ne seront plus automatiquement
exportables et que le public de chaque pays réclame
des oeuvres dans sa propre langue. Or, on ne connaît
pas encore le doublage, ni les sous-titres. Les producteurs
résolvent ce problème de façon bien singulière
en tournant pendant quatre ou cinq ans des films « en
versions multiples », c'est-à-dire, à
l'origine, des films tournés simultanément dans
le même studio, en plusieurs langues. Le metteur en
scène et l'équipe technique sont les mêmes
en général. Ainsi Pabst dirige à Berlin
les versions allemande et française de L'Opéra
de Quat'sous, Lubitsch les versions française et américaine
d'Une Heure près de toi/One Hour With You à
Hollywood, Jean de Limur celles de Mon gosse de père
à Paris. On compte également trois versions
d'Atlantis, l'anglaise et l'allemande datant de 1929, la française,
réalisée par E.-A. Dupont et Jean Kemm, de 1930.
Pour les acteurs, les cas de figure varient ; selon que la
vedette est polyglotte ou non, elle reste la même alors
que le reste de la troupe, à l'exception des figurants,
peut changer. On retrouve ainsi Claudette Colbert et Maurice
Chevalier dans les deux versions (française et américaine)
de La Grande Mare/The Big Pond.
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