Les procédés techniques (mécaniques
et optiques)
C'est à ces modes de sonorisation
extra-cinématographiques, si l'on peut dire, que le public
est habitué jusqu'à l'avènement du parlant.
Pourtant, parallèlement, pendant les quinze premières
années, en France (Auguste Baron, Pathé, Gaumont,
Joly...), aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne
et dans les pays scandinaves, les brevets et bricolages en tous
genres présentés aux expositions universelles
pour inventer le film parlant se multiplient. Les appareils
de prises de vues et de projection à peine inventés,
on pense à les accoupler mécaniquement à
leur frère aîné, le phonographe 1. Ces systèmes
d'asservissement d'un magnétophone à la caméra
et au projecteur par un moteur électrique révèlent
presque toujours un synchronisme défectueux. Non seulement
les syllabes prononcées ne correspondent pas toujours
aux mouvements des lèvres, mais, toujours d'après
Coustet 2, « il n'est pas rare d'entendre encore la voix
quand la bouche est visiblement fermée, et parfois elle
s'obstine encore à chanter quand l'artiste salue ».
Pour lui ce problème essentiel ne sera dépassé
(mais le sera-t-il vraiment ? 3) qu'avec le chronophone Gaumont
- présenté à l'exposition universelle de
1900, amélioré en 1902, il n'est lancé
commercialement qu'en août 1906 - puis avec le chronomégaphone
(1908) qui permet l'amplification des sons nécessaire
aux projections dans les grandes salles mais du même coup
celle des bruits parasites et distorsions qui rendent parfois
la scène inaudible.
Pourtant plusieurs de ces systèmes
- celui de Gaumont et, entre autres, son équivalent chez
le concurrent direct, Pathé - ont une petite vie commerciale.
Les premiers essais sont des bandes chantées par les
vedettes de l'époque, Yvette Guilbert avec Le Fiacre,
La Berceuse verte (Pathé, 1905) ou des scènes
d'opéras et d'opérette (on se souvient des phonoscènes
d'Alice Guy), des monologues comiques. Cependant, assez vite,
les difficultés techniques d'enregistrement limitent
la variété de ces scènes chantantes. On
ne peut filmer acteurs et chanteurs devant un cornet et une
deuxième opération reste nécessaire, en
1906 comme en 1896, pour synchroniser leurs gestes et leurs
paroles devant la caméra. C'est tout simplement du play-back,
c'est-à-dire l'inverse du doublage ou de la postsynchronisation.
Les autres tentatives, qui aboutiront en 1926, sont les procédés
d'enregistrement du son sur film au moyen de procédés
optiques et électro-acoustiques. N'est-ce pas la seule
voie qui pourrait résoudre le problème du synchronisme
? Gaumont l'a pressenti. Le frottement de l'aiguille, l'usure
du disque, la nécessité d'utiliser plusieurs
disques pour les films parlants de quelque longueur l'ont
amené à collaborer avec deux ingénieurs
danois, Petersen et Poulsen, pour mettre au point les films
sonores exploités par la suite. En Angleterre, les
recherches de Lauste entreprises depuis 1904 sont couronnées
par l'obtention d'un premier brevet en août 1907, puis
de deux autres en 1908 et 1910. Ce dernier, adopté
en 1930 avec une guerre internationale des brevets, permet
la réalisation des premiers enregistrements photo-électriques
des sons sur film selon un procédé dit, plus
tard, à « élongation variable ».
Quelques années de mise au point seront nécessaires
avant que ce procédé ne modifie irrémédiablement
la production.